Lorsque le doux soleil invitait chaque papillon à sortir de sa cachette, une petite chenille désolée (Maggie la Chenille) s’accrochait tristement à une branche, de nombreux pieds au-dessus du sol, espérant de tout cœur qu’un changement dans son apparence pourrait lui permettre de rejoindre les insectes joyeux qui virevoltaient de fleur en fleur en prélevant tant de nectar.
Quand les rayons du soleil l’effleurèrent pour la première fois, elle comprit que tout allait bien en ce qui concerne la météo ; ils la rendaient heureuse même s’ils lui causaient un léger inconfort en la réchauffant après le gel de minuit. Mais son cœur était triste et il lui était impossible d’exprimer ses sentiments autrement qu’en déployant les jolies ailes semblables à des joyaux qu’elle avait si douloureusement développées.
“Je ne vois pas l’intérêt de vivre après que deux de mes meilleures amies aient péri,” soupira-t-elle, “pour mourir moi-même de faim. D’autres chenilles semblent prendre la vie si à la légère !”
À peine avait-elle terminé de parler qu’un vieil ami, une créature vénérable ornée de plumes, atterrit à ses côtés. “Ne t’inquiète pas,” dit-il. “J’ai connu des temps glorieux depuis que tu me vois tel que je suis maintenant. J’ai mené une vie horrible, je t’assure, avant de devenir le monarque de ces gens heureux qui nous entourent aujourd’hui, et sans doute j’aurais presque oublié ma propre jeunesse tragique si ce n’était pour tes deux compagnes que je rencontre parfois.”
Maggie lui parla de ses malheurs et de son chagrin.
“Étaient-elles des amies sincères et constantes ?” demanda-t-il.
“Une d’elles était la vanité personnifiée ; je ne pouvais jamais lui faire confiance,” répondit-elle, “mais l’autre, douce âme,——“ elle sanglota, “si elle avait vécu, elle m’aurait amenée à penser comme toi.”
“Alors as-tu attendu de devenir une chrysalide généreuse à cause d’elle ?”
Mais la question était incompréhensible pour Maggie.
“C’est réconfortant de savoir, cependant,” poursuivit le papillon, “qu’elle était fidèle à toi même jusqu’à la mort. Mais dis-moi, maintenant qu’il est trop tard, savait-elle que tu avais des ailes ?”
“J’en ai souvent insinué, mais elle disait qu’elle ne comprenait pas pourquoi je devrais me parer des vêtements d’une vieille matronne alors qu’il y avait tant de pauvres subalternes sans rien.”
“J’ai peur que tu n’aies jamais écouté ses sages réflexions,” soupira le papillon. “Si tu l’avais fait, tu aurais compris l’un des mystères entourant notre mode d’existence. Je ne vais pas perdre mon temps à parler aux autres tant que je n’ai pas entendu ta réponse. Tu ne veux pas dire que les chenilles sont si stupides qu’elles ne savent pas—est-ce ce que tu penses ?”
“Je ne l’ai pas pris de cette façon,” dit-elle.
“Quand tu mérites des confidences, il est étrange de voir à quel point elles sont données facilement, qu’elles soient sollicitées ou non. Mais je dois m’en aller ! Je dois m’occuper des préparatifs dans la Maison des Papillons et je suis déjà en retard. Tous attendent de voir quelle aile je porterai ce soir ; et si, après tout, je ne vais pas adopter un nouveau style, je défie ton commentaire hasardeux au Coloriste Éclatant qui vient d’arriver en route pour la prochaine Exposition de l’Académie et qui se tient même à proximité.”
Lorsque Maggie émergea, tout le monde vint la voir.
“C’est plus joli à bien des égards que la vieille pauvre chose,” dirent tous les amis de son ancien compagnon—et cela s’avéra vrai.